mardi 15 mai 2007

L'ère de l'épouvante

c'est amusant, comme le hasard fait se rencontrer les films parfois. là, je regardais wolf creek, le truc australien, et à la fin, je coupe, et je tombe sur breakdown, de jonathan mostow (1997, je crois), qui passait sur m6. foule de correspondances : le désert, les méchants, les situations désespérées, le héros qui regarde partout autour de lui dans espoir de trouver un instrument qui lui permettra de s'échapper / de tuer le méchant / etc.
(il faudrait dire quelque chose de l'instrument dans le film de peur - la chose qui se transforme en arme, objet détourné, transfiguré - par les événements et l'ingéniosité des personnages - en outil de survie. il faudrait dire le plaisir qu'il y a là-dedans, pour le spectateur, qui se met à chercher lui aussi, à réfléchir vraiment activement à la meilleure façon de sortir de la cabane, de la mine, de la maison abandonnée............ plus l'instrument est dérisoire, minuscule par rapport au danger, plus on kiffe!)
(et le plaisir sadique, il faudrait dire ça, évidemment - puisque le sadisme est au coeur du film de peur.)
(comme dirait nathalie, plus justine est vulnérable et naïve, plus on a envie qu'elle s'en prenne plein la gueule. le sadisme, c'est exactement ça.)
(c'est-à-dire que ce qui se met en jeu dans les films de peur, c'est la chose dont parle wolfgang sofsky dans l'ère de l'épouvante, ce truc sombre et informe, ou plutôt polymorphe, cette bête, qui nourrit la capacité d'inventer - de nouveaux supplices, de nouveaux tourments - tout ce qui permet à la créativité de s'épanouir dans sa forme la plus noire.)
(il faut lire ça, l'ère de l'épouvante, pour comprendre la pertinence des films de peur, la justesse avec laquelle ils parlent du monde.)
bref. wolf creek, où le mal tiomphe - vs - breakdown, où le bien triomphe - mais dans une sorte de mélancolie, avec la musique un peu triste, et ce plan très large des époux perdus au milieu du pont, image magnifique, surtout après le climax, d'une brutalité inouïe, quand le gars dans le camion fonce sur les héros, et les percute mille fois (on dirait qu'il les percute mille fois, en vrai c'est un peu moins), et la fille avec sa jambe coincée sous le tableau de bord, l'habitacle déformé, et les yeux fous du type au volant de son camion.......... et bien sûr, quand la femme fait tomber le camion sur le type, la simplicité de ce geste - la vengeance dans sa forme la plus pure, la plus stylisée, finalement.
dans wolf creek, on peut dire que le sadisme atteint une sorte de degré ultime - quand le type sectionne la moëlle épinière de la fille, et son regard à elle quand elle tombe par terre comme une poupée désarticulée, et c'est le dernier plan qu'on verra jamais d'elle - c'est d'une violence complètement hallucinante, c'est une espèce de post-modernisme de la violence - je me souviens qu'on était déjà halluciné à l'époque ou friedkin, ce nazi, tuait william petersen d'un coup de fusil en plein visage une demi-heure avant la fin dans to live and die in l.a. on ne savait pas qu'après, il y aurait wolf creek - qui d'une certaine manière est plus candide, malgré tout, que mettons the descent, où la les personnages sont réellement antipathiques, où personne, finalement, ne mérite d'être sauvé. dans wolf creek, il y a encore une place pour ça, pour le sauvetage - non, qu'est-ce que je dis, pas le sauvetage, je veux dire le salut - à entendre sans connotation religieuse, ce sont des films sans dieu. mettons que wolf creek est donc un film plus doux que the descent, si c'est possible, si ç'a le moindre sens de dire ça.
le mal triomphe, donc.
il y a un truc très juste, dans wolf creek, c'est la façon dont le méchant humilie la fille sexuellement. soudain, dans ce geste, ce qui éclate, c'est toute l'ancestrale domination des hommes sur les femmes, leur abominable tyrannie.
(tiens, ça me rappelle la subtile révolution sémantique assumée par carpenter au début de ghosts of mars, avec le petit carton qui signale au spectateur que la terre vit désormais sous le régime du matriarcat - subtile inversion des valeurs, pleine d'autodérision, et porteuse malgré tout d'un espoir de progrès - idée toute carpenterienne, en somme.)
ce qui me fait penser : dans le futur gouvernement fillon, premier de l'ère sarkozy, la parité hommes / femmes sera respectée, parait-il.
amusant de la part d'une droite qui se dit décomplexée.
amusant, cette soumission à une idée de gauche - amusant surtout comme ça sent le sourire forcé, le refoulé. on n'y croit pas, d'une certaine façon. je ne sais pas comment dire, mais on sent que c'est une concession, que ça exige de leur part un énorme effort.
(je pensais à ça l'autre jour, quand on essayait des kimonos, et en voyant la façon dont ça transformait la silhouette de momoko, comment ça l'obligeait à une certaine tenue - exactement comme le corset en occident. toujours, la tyrannie masculine, l'exercice sempiternel et masturbatoire de la force virile.)
(il n'y a qu'à voir, dans les films de samouraïs, la démarche déliée, presque pataude, des hommes, juste soucieux de la bonne érection du sabre à leur côté - contre la démarche appliquée, scrupuleuse et attentive des femmes.)
(tout était là, déjà.)
ce qui nous renvoie, par le plus grand et le plus hasardeux des détours - mais ce blog cultive le plaisir du détour, du sentier peu battu et du chemin traversant, n'est-ce pas ? - ce qui nous renvoie, donc, à la scène finale de la troisième partie du monde, celle où emma et ukiko se confondent. quelle tenue (ici, les deux sens valent) adopter pour ukiko ? kimono ou vêtements occidentaux ?

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