dimanche 24 juin 2007

Juste avant

bon voilà. on est arrivés il y a trois jours dans un campus universitaire de la banlieue de bordeaux, ça m'a rappelé les films d'horreur américains qui se passent dans les mêmes décors. j'ai commencé par un jogging républicain le jour de notre arrivée : j'ai croisé des sdf dans le parc, du coup je repensais à prince des ténèbres - dont j'ai amené le dvd, pour le cas où.............

repérages techniques terminés hier, journées très fatigantes, aujourd'hui enfin un peu de repos, soleil et bella lula (la citronnade qui nous sponsorise). les gars arrivés en camion vers 21h, gaspard mangeant des manchons de poulet et jouant avec le chien qui nous gardienne, tout le monde assez détendu, finalement, et moi aussi, finalement, c'est bizarre.

je me dis bon, demain, voilà, demain.

c'est le dernier post de ce blog : je m'y étais engagé il y a plusieurs mois, au tout début de cet étrange exercice. j'avais dit qu'il se terminerait exactement la veille du premier jour de tournage (à l'époque, je ne croyais pas le voir arriver, ce jour, je n'y croyais pas, étrangement, je n'y crois toujours pas), et je tiens parole. c'est le dernier post (le dernier de ces 246 posts). c'est la fin de ça, et le début de tout le reste.

je repense aux longs mois d'écriture, aux tête-à-tête innombrables avec cédric, à tous ces mois de prépa, le soutien infaillible (vraiment infaillible) de mes camarades, comment chacun a eu à coeur (à coeur, vraiment, parce que c'est là que ça se joue, toujours, pas que dans la tête - même si "je pense" est le bout de phrase qui revient le plus souvent tout au long de ce blog), à coeur de faire le film le plus beau du monde, de faire un film beau et juste.

(je me souviens avoir vu dans le making of d'un film coréen la petite cérémonie qui précède le début du tournage, ce parchemin brûlé, s'il brûle complètement, c'est de bon augure pour le film, disaient-ils dans le documentaire - ça me manque un peu de ne pas avoir eu de rituel de ce type, je trouve dommage qu'on ait si peu de rituels, parce que la symbolique c'est important. un peu de pensée magique, aussi. c'est pour ça que j'ai demandé à amélie de me confectionner un petit gri-gri porte-bonheur - elle a choisi un très beau fil vert qui se noue au poignet.)

je repense à ma première rencontre avec cédric dans le bureau de la rue damrémont, comment elle nous a amenés là où nous sommes maintenant, à ce soir nuageux (ce n'est pas une figure de style, les nuages qui vont nous embêter demain à la lumière sont déjà là, bien installés pour la nuit, et on entend le grondement du tonnerre, loin, et on voit quelques éclairs au-dessus des pelouses du campus), à cette fatigue extrême mais pas inquiète - car je ne suis pas inquiet, bizarrement.

je sais qu'on va faire quelque chose de bien. je le sais.

merci et bravo à nous tous d'avoir su tenir bon jusque là, d'avoir eu cette constance, ce dévouement, cette belle énergie.

merci aux parents et amis qui, même loin du film, m'ont aidé à tenir bon. je me sens, grâce à vous, grâce à tout ça, paré et botté, comme disait montaigne. j'ai le coeur gonflé de confiance et de joie, et ça masque presque la peur.

demain l'aéroport, les figurants, les acteurs, mes plans, ceux que j'ai conçus dans le noir de ma tête et qui demain deviendront réels. puisque c'est ça mon travail, faire advenir des pensées dans le réel. réaliser.

merci et bravo et bonne chance à nous tous.

merci de m'avoir lu.

nous ne mourrons jamais.

bonne nuit.

jeudi 21 juin 2007

Départ

bon voilà, demain tu t'en vas, tu as fait tes petites valises, tu as rangé tes papiers, rempli ta déclaration d'impôts, mis 200 polos dans ton sac, autant de chemises et de caleçons, et il y a encore quatre paires de chaussures à ranger et plus aucune place nulle part, donc tu vas prendre un troisième sac, pour mettre les films que tu n'auras pas le temps de regarder, les livres que tu n'auras pas le temps de lire, etc. et nico va faire la tête demain parce que pas de place dans la voiture.

je voulais aller voir à l'intérieur avant de partir. pas eu le temps. donc, le dernier film avant le tournage aura été le tarantino. j'aurais pu tomber plus mal.

émouvant de quitter élodie, tout à l'heure. c'est là que j'ai vraiment compris que je partais, que j'allais partir pour de bon.

(élodie, julien, pour vous, le tournage, c'est open bar : vous passez quand vous voulez, il y aura toujours une bière au frais - et toujours besoin d'un medic ou d'une scénariste géniale pour aider les misérables que nous sommes à accomplir de grandes et belles choses - ou juste à tenir bon, à survivre à tout ça. bref, passez nous voir là-bas, ce serait super.)

message d'encouragement d'adam, et texto de julien aujourd'hui :
salut éric, je crois que ton tournage va débuter d'ici peu, on ne se croisera sans doute plus d'ici ton premier clap, juste un petit mot donc pour te souhaiter le meilleur, pour te souhaiter que toute la beauté que tu désires tant depuis ces derniers mois s'imprime maintenant dans tes plans. bon courage et bonne chance ! bises. julien.
voilà. c'est julien, le medic, je l'appelle comme ça parce qu'il me fait penser aux moments dans les films de guerre où un personnage appelle le toubib pour sauver un camarade blessé : mediiiiiiiiiiiiiiiiic ! julien, c'est le gars qui te sauve quand t'as le bide ouvert et les entrailles par terre. un vrai copain, quoi.
merci mon gars.
merci adam pour ton message.
merci élodie pour ton poing levé.

ces derniers mois, chacun a travaillé énormément, souvent dans une mesure qui excédait largement l'intitulé de son poste, et la plupart du temps pour pas un rond. merci les gars, pour vos efforts si peu comptés.

comment je vais faire avec ces chaussures ?
et je n'ai rien pris pour la pluie ni le froid.

ce soir, dans le métro, il y avait une femmme qui maudissait tout le wagon en hurlant en français et en arabe. ça faisait assez peur. elle avait l'oeil noir, vraiment furieux, et elle promettait l'enfer à tout le monde. comment voulais-tu que je ne le prenne pas pour moi ?

faut que je prenne un imper et un polaire. c'est moche mais au moins..........

je voulais recopier quelques lignes d'une nouvelle magnifique de clive barker que j'ai retrouvée et qui me fait penser à la scène du rêve d'emma, que je n'arrive pas (encore) à visualiser. pas eu le temps.
pas eu le temps non plus de gloser un peu sur i am legend et sur le misanthrope. j'aurais eu des trucs à dire (comment robert neville est une figure moderne d'alceste, transformé par l'apport de la psychanalyse et de la contre-culture des 60's.........), mais pas eu le temps.

hier, dans une magnifique ambiance d'orage, visionné en compagnie de françois, annick et patricia quelques essais de transparence : ça va être sublime, selon toute probabilité. ça bouscule un peu l'idée que je me faisais de ces plans, mais pas fondamentalement - juste mon découpage qu'il faut que je revoie un peu. rien de grave, en tout cas. mais surtout - ça va être très beau ! bravo françois ! et merci pour le baume que tu m'as mis au coeur avec ces images.

ça me touche, justement, que julien ait parlé de la beauté - pécisément de la beauté. c'est ça qu'on cherche, en effet.

je discutais avec emmanuelle ce soir au téléphone : on se disait quand même toutes les décisions qu'on a prises, ça va inscrire ces images dans le marbre, ce sera là pour toujours. c'est pour ça que, quoi qu'on fasse, quelle que soit la décision qu'on a à prendre, faut pas se gourer, et quelle que soit la difficulté qu'on rencontre, faut pas jeter l'éponge avant la fin - parce que faut pas oublier ça : une fois que c'est fait, c'est là pour toujours !

(bon, bien sûr, faut savoir rester léger, hein, c'est important, faire les choses comme ça, avec un tout petit peu de grâce et de légèreté, si possible.)

(c'est mon psy qui parlait de ça l'autre jour : la grâce des enfants. c'est vrai, ce qu'il disait. on parlait de ça à propos des gens qui se conduisent comme des enfants, mais sans en avoir la grâce, et donc ils sont insupportables. je trouvais ça tellement simple et juste, cette idée que les enfants sont grâcieux. que l'enfance est un état de grâce.)

(ça m'a fait penser à cque disait fritz lang dans les suppléments de house by the river : il n'a fait m que pour délivrer ce message : protégez mieux vos enfants. je pensais à ça l'autre soir, dans le métro : faut protéger les enfants. c'est quand même beau, comme projet de film, comme message. ça vaut le coup, de faire un film pour dire ça, n'est-ce pas ?)

(est-il besoin de dire encore ici à quel point fritz lang...........?)

(fritz, i love you.)

allez, il est tard, demain taxi, nico, voiture, orly, patricia, et en route pour bdx.

bise à tous.

(j'écrirai encore, hein, jusqu'à dimanche.)

(après, c'est fini pour le blog.)

(après, c'est le reste qui commence.)

mardi 19 juin 2007

dimanche 17 juin 2007

Elephant


j'ai eu envie de revoir quelques images de joel sternfeld, et je m'aperçois que je n'ai pas pris le temps de faire ça depuis plusieurs mois - que c'est le premier dimanche de calme que j'arrive à passer chez moi, seul, à faire des machines, à passer l'aspi, à ranger mon courrier - et à feuilleter quand ça me chante un livre de photos.
ce que j'aime chez sternfeld, ce en quoi je le trouve plus beau que disons stephen shore, c'est le tragique de sa tentative desespérée d'attraper quelque chose du réel. shore, lui, a renoncé, d'une certaine façon, et ses photos sont aussi magnifiques que mornes et dépeuplées. sternfeld, lui, est dans un autre type de tension, me semble-t-il. un peu comme jeff wall, peut-être - il y a parfois la même facétie, la même espièglerie.
ce qui est beau chez lui, c'est la façon dont la photo n'est jamais anecdotique. même la plus connue, celle du pompier en train d'acheter des citrouilles pendant qu'en arrière-plan une maison brûle, n'est pas réductible à cette seule anecdote. je ne sais pas comment il fait ça. j'aime en tout cas ce sérieux, cette application presque souffrante qu'on sent chez lui.

(si tu regardes bien l'image, sur la route, il y a un éléphant.)

Moins 8

et sinon, on est à j - 8.
can you feel the butterflies in your stomach ?

Renoncement

je discutais avec mathieu l'autre soir (mathieu si., pas mathieu g.) et il me racontait cette projection d'un film qui va sortir avec la kiberlain atroce et d'autres gens atroces, et que c'était exactement un film sur le renoncement, sur des gens qui ont des rêves (coûteux, comme il se doit, comme tous les rêves de bourgeois - je fais un film, je sais de quoi je parle), et qui abdiquent et qui reviennent à leur médiocrité pleins d'usage et de raison et se disant que la vie qu'ils ont, dont ils ne voulaient pas d'abord, n'est pas si mal au bout du compte (parce qu'il y a des gens pour qui ces choses-là doivent faire l'objet d'un compte, justement).
pas besoin de gloser sur le film, on n'a pas besoin de l'avoir vu pour savoir que c'est une merde et peu importe, mais juste, je me demandais, est-ce qu'il existe un grand film américain sur le renoncement ?

moi, je dirais bigger than life de nicholas ray, même si.........

8 femmes


la mélancolie, c'est à ça que je pensais d'abord, l'étrange mélancolie du film, qui n'est que le vernis d'une angoisse tragique, c'est-à-dire que tu grattes et c'est encore pire, c'est-à-dire que c'est encore plus triste en-dessous. quand même, il n'y a pas d'accord possible entre les hommes et les femmes, dans ce monde-là, et c'est comme dans la vie, me disais-je à un moment, il n'y a pas d'accord possible (entre personne !), juste des malentendus qui durent plus ou moins longtemps, et c'est à ça que je pensais pendant la scène de la lap dance, je pensais aux malentendus sublimes, au plaisir qu'on peut prendre aussi là-dedans, plaisir coupable, c'est-à-dire jamais innocent (c'est-à-dire qu'on sait toujours qu'on est dans le malentendu quand on y est, on s'en accommode, en quelque sorte), et donc je pensais à ça, puisque quand même, la fille danse pour le mec qui va la tuer, et on le sait tous, et d'une certaine façon elle le sait peut-être elle-même, et je pensais à l'usage du zoom dans les plans où elle mate la bagnole, le zoom comme instrument d'un pur cinéma référencé, comme un outil très pur pour générer de la peur -
- il faudrait, d'ailleurs, parler de la pureté de ce film, de ses figures, ces gens qui n'en sont pas, qui ne viennent de nulle part et qui ne vont nulle part, qui ne sont que leur sexe, qui ne valent que par le genre (sexuel) auquel ils appartiennent, je repensais du coup à l'expression film de genre, et je me disais voilà, c'est un film de genre, mais de genre sexuel, pas d'autre chose, un film sur les hommes qui détestent les femmes et sur les femmes qui saisissent enfin une occasion de prendre leur revanche, je repensais, dans la scène de tabassage du mec, aux plans sur le presse-papier dans chromosome 3, à la façon dont le montage insistait sur la multitude des coups assénés, à la jouissance qui s'exprimait là, enfin.

vendredi 15 juin 2007

Alceste


j'y reviendrai bientôt.

Costumes (Jean-Damien)




mardi 12 juin 2007

Lecture

ce que je n'aime pas dans le cinéma, ce en quoi il est plus faible que le théâtre (je parle du travail de cinéma, de la fabrication, pas du reste - pas des films, en somme*), ce que je n'aime pas, disais-je, c'est l'impression qu'on a (qu'on peut avoir parfois) (quand on est laborieux, un peu lent comme moi) qu'une scène, ça s'épuise. qu'à un moment donné, c'est fini, on a tout tiré de la scène - alors qu'on n'a même pas commencé à égratigner son vernis. je pensais à ça à la fin de notre séance de travail avec éric et clémence, et je me disais voilà ce gars, cet immense acteur de théâtre, qui prend les textes à bras le corps depuis des années, disons vingt ans, et en trois heures, mon texte, celui que j'ai écrit, nous le lisons, nous le relisons, et c'est fini, nous n'avons rien de plus à en dire, rien de plus à travailler. c'est le cinéma qui nous fait croire ça, qui nous fait croire que la scène est épuisée. ce que je veux dire, c'est que je suis frustré. frustré que ça ait duré aussi peu. et en même temps, ce n'est la faute de personne (ou juste la mienne, à la rigueur), c'est le cinéma qui fait ça. si nous étions au théâtre, il n'y aurait rien d'autre sur quoi se pencher, rien d'autre à malaxer que le texte - et alors nous le presserions, nous lui ferions rendre gorge. mais au cinéma, il y a tout le reste, toute la technique et son cortège de pesanteurs et d'aliénations ridicules, tout ce dont le théâtre a toujours bien su se garder, pour conserver l'essentiel, le minimal : un espace scénique, un acteur, un texte.

* mais on a bien compris que je ne peux plus être dans les films, juste dans la cuisine, la fabrication, le cambouis, les mains sales. je n'arrive même plus à finir un film, ça fait trois mois que je n'ai pas fini un film - et je ne parle même pas des livres, depuis quand je n'ai pas réussi à finir un livre.........

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