jeudi 29 mars 2007

En somme

je ne sais pas pourquoi c'était en mangeant une pizza avec ma mère je me suis dit (et elle venait de pleurer un peu car nous parlions de tout ça et du reste, et je n'aime pas beaucoup voir ma mère pleurer mais bon, j'ai commandé un deuxième café) je me disais bon sang qu'est-ce qu'on est seuls (bizarre de mettre un s, d'ailleurs, si on est si seuls, on devrait plutôt écrire "seul", bref).
je veux dire, je pensais aux grands espaces - eh ben oui, je sais, je radote, et alors, c'est mon blog, j'ai le droit de radoter si je veux et toi tu as parfaitement le droit de ne pas me lire de toute façon je sais bien que je ne suis lu que par cinq personnes six à tout casser et c'est bien ainsi et ce n'est pas si éloigné de ce que je vais dire enfin c'est dans le sujet, ce que je veux dire, c'est que repensant aux grands espaces je me disais à quoi bon faire un film si c'est pour qu'il n'existe pas ou si peu, et qu'on ne me raconte pas qu'un objet artistique etc. un film qui n'est pas vu est un film qui n'existe pas, un point c'est tout, alors dans ces moments-là (et je pensais à mon copain réalisateur hollandais dont le premier long a été vu par 3000 personnes à amsterdam et puis c'est tout, 3000 personnes non mais tu te rends compte - on dit entrées, 3000 entrées, c'est un peu - juste un peu - moins terrible, plus poli), dans ces moments-là, disais-je, évidemment tu te demandes à quoi ça sert ce qu'on fait, et je ne parle même pas de la perspective du long terme, puique comme disait keynes (je crois que c'était keynes), dans le long terme, on sera tous morts, enfin un truc comme ça (un truc drôle d'économiste classique).
(la pensée du long terme étant finalement la seule pensée juste, la seule en tout cas qui permette d'adopter la bonne attitude, cette dérison joyeuse dont parle ce philosophe allemand trahi par sa soeur et dont le nom fait un bruit de torche plongée dans l'eau ; qui n'est pas du cynisme mais une vraie joie - tu te souviens, la joie - puisque le long terme remet au moins les choses à leur juste place - et du coup on se souvient qu'on est quand même là pour se marrer un bon coup si possible - je dis bien si possible.)
(pour répondre à cette question ("à quoi ça sert?"), je me renverrai moi-même au post intitulé "fatigue" et à la réponse de cédric.)
ce que je veux dire, c'est que je pensais avec tendresse à la solitude et à nous tous.
voilà, je crois que c'est ça l'objet véritable de ce post (car il me faut parfois plusieurs lignes avant de savoir de quoi parle un post), c'est ce sentiment de tendresse qui m'envahissait en pensant à la solitude.
je pensais à nous tous, ou plutôt je pensais à chacun d'entre nous, à chacun d'entre vous, je dis bien A CHACUN D'ENTRE VOUS, je pensais au sommeil, à ce moment où chacun est vraiment seul, quand bien même il y aurait quelqu'un à côté, ce moment de silence et de respirations lentes, de cheveux étalés, comme épandus, de cils écrasés contre l'oreiller, de bouches ouvertes et de rêves, ce moment d'intime écrasement de soi, je pensais à ça, pour chacun d'entre nous, pour CHACUN D'ENTRE VOUS, à cette solitude extrêmement singulière et pourtant vaste et commune, ce moment où ta main à toi touche à peine sa main à lui, à elle, etc. et j'y pensais avec tendresse, voilà. sans amertume, sans terreur, sans tristesse (pour une fois)*.

* et je repense soudain à tous ces moments dans la troisième partie du monde où les gens se regardent dormir** (note : penser à remettre ce moment où michel regarde emma dormir dans l'appartement le lendemain de leur première nuit ensemble). je crois qu'il y a de l'inquiétude dans ces moments, une façon pour les personnages de dire ne me laisse pas, quelque chose de régressif, de brutalement infantile.

** je te rappelle que pendant longtemps, le scénario s'est terminé sur ça : une femme qui dort dans un train.

je pense bien à vous, en somme.
(dans cette expression, chaque mot compte.)

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