lundi 4 juin 2007

Black Snake Moan


ce qui est très évident, dès le début, c'est le plaisir qu'il prend à filmer cette fille et ce gars, plaisir tout simple, et en même temps sans rien de nonchalant ou de désinvolte, un plaisir vraiment attentif, attendri même - mais sans rien de mou ou de mièvre, au contraire, avec au fond de tout une dureté minérale, comme un morceau de roche ou d'ébène.
bref.
je ne parle pas de l'érotisme fatal, complètement bouleversant, de cette culotte blanche ou de ce t-shirt dixie land, ni de cette chaîne ventrale, chaîne réelle, épaisse et dure, non non.
mais il faut voir, il faut voir pour comprendre. je ne vais pas te faire l'article, mais bon, il faut voir, dans le désordre :
la scène où elle se cache dans la maison alors que le petit jeune homme est dehors, la façon dont elle rampe sur le parquet, une main sur la bouche, pour ne pas lui répondre, ne pas lui sauter sur la braguette, et le petit gars qui sent que quelque chose ne va pas, ce regard en coin, et ce plan sur les pieds qui montent les marches du perron - ah là là, le perron des maisons américaines, le porch, comme ils disent - et puis la façon dont elle, finalement, n'y résistant plus, se jette sur lui, enlève son t-shirt et ferme la porte d'un coup de pied, la mise en scène de ce moment-là, le montage -
- et ça ne s'arrête pas là, ça continue, le plan sur la porte s'élargissant en plan de toute la maison, puis de la cour, jusqu'à ce que la voiture rentre et que le type en sorte, et ouvre la porte de la maison et chasse le môme à coups de pompes - la beauté pure de tout ça, la comédie en même temps, on n'est pas très loin de ford, finalement, c'est à ça que me faisait penser ce porch, à john wayne dans the searchers, peut-être, à vera miles dans le même film - ford ayant su mieux que personne filmer ça, la beauté des gens s'abritant sous le porch, regardant au loin, rêvant.
(puisqu'on parle de ford, la scène où ils se retrouvent tous à manger autour de la table, le pasteru, le môme, le bluesman et la fille - encore enchaînée - mais qui aurait pu faire avaler cette scène, qui à part ford aurait pu avoir le nécessaire sens du grotesque et de l'absurde - de la comédie - et garder quand même à la scène sa ligne juste, et aux personnages leur dignité ?)
ou encore, dans la scène du début, quand justin s'en va-t-en guerre, la façon dont elle tombe à genoux dans l'herbe, et puis ses larmes qui se transforment en désir, et puis la masturbation filmée sur les santiags (le costume dans cette scène, génial, un poil trop peut-être, la grande chemise à carreaux de justin et les santiags mauves, je ne sais pas, trop de bon goût peut-être, mais bon, on leur pardonne).
(on leur pardonne tout puisqu'ils ont fait ce fim.)
et la jouissance, bon, faut dire quand même, que c'est le plus grand film sur la jouissance (et la frustration) qu'on ait vu de longtemps, je ne parle pas que de sexe, la scène où le gars joue de la guitare pendant que dehors le tonnerre gronde, c'est aussi de la jouissance, "please laz, keep playing", elle lui dit, c'est magnifique, et la guitare qui vibre, les basses puissantes, rien que de t'en parler j'en ai encore des frissons, je voudrais revoir ce film, le revoir vite, bientôt.
bon, alors bien sûr on dira le background semi-analytique de type traumatique, bon, d'accord, on a compris, c'est un peu - mais justement c'est ce qui distingue encore le cinéma américain de nos cinémas essoufflés d'europe, c'est le rapport à l'évidence, c'est-à-dire qu'ils ont un rapport très pur à l'évidence, qui fait qu'elle mérite d'être dite (TOUT SIMPLEMENT), d'être rappelée, ce qui fait par exemple qu'ils font (encore et toujours) (les américains) les plus beaux films sur la liberté, puisque pour nous, c'est l'évidence suprême (nous sommes libres), tellement évidente qu'on n'estime même pas nécessaire de faire des films dessus (ou alors quoi, ressources humaines de mes couilles, le plus grand film français sur la liberté depuis quoi, l'argent de bresson ?), ben oui, c'est dans notre devise, bande de fils de pute, juste avant tout le reste, l'égalité et l'autre truc, là, la fraternité, ben oui, sauf qu'après tout le monde vote en masse pour sarkozy, alors voilà, c'est là qu'on la met, la liberté, ou plutôt c'est à ce prix qu'on l'estime, aux chiottes, en somme. (et tu n'as que ce que tu mérites.)
et la scène, bon, je ne vais pas toutes te les faire, si tu n'as pas encore compris qu'il faut y aller, je ne peux rien pour toi, mais quand même, la scène de la fin, la scène du mariage, quand ils s'enlacent sur le perron (encore !), elle en robe de mariée et lui en costume, c'est sublime, et qu'il la rend à son homme, maintenant, c'est toi qui t'occupes d'elle, il lui dit, moi j'en chialais dans mon fauteuil, tu ne peux pas savoir.
et la scène finale, sur la route, je pensais à la fin du lauréat, cette scène subime et indépassable croyais-je), je ne te dis pas pour pas te gâcher le plaisir, mais ce qu'elle lui dit à la toute fin*, la dernière phrase du film (la dernière phrase, mon dieu, la dernière phrase), we're gonna be okay, et elle le répète, comme dans - tiens, comme dans ce film, comment ça s'appelle, la troisième partie de quoi, ah oui, du monde, hé hé, ça va aller, ça va aller, dit-elle - et "à la fin, elle finit par le croire" (la phrase dont je suis le plus fier, soit dit en passant, de tout le scénario).
enfin bref, va voir ce film et puis c'est tout.

* après avoir serré sa chaîne ventrale pour se donner de la force, sa chaîne nuptiale, mais bordel c'est l'idée de sénario la plus belle de tous les temps, que le gars lui offre non pas une bague de mariage, mais une chaîne, mais tu pleures, je te dis, tu pleures !

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